Le calvaire du Patis-Menoret

 

Le calvaire du Pâtis-Ménoret fait partie du paysage marsien depuis plus de 120 ans. Ce projet de bâtir un calvaire, prend naissance en 1897, plus précisément au début de l’été, lorsque Louis Berthaud annonce, lors d’une cérémonie dominicale, son intention d’ériger un calvaire, «en haut du bourg». Louis Berthaud , curé de la paroisse, est arrivé à St Mars en 1882, à la suite du décès tragique du précédent curé Augustin Chaillou. Cela fait longtemps qu’il rêve de ce calvaire et il est heureux de voir que son projet reçoit immédiatement un écho favorable auprès de la population marsienne.

Ce calvaire a la particularité d’associer la réplique de deux événements différents.
– La partie supérieure représente la crucifixion du Christ au Golgotha, une petite colline près de Jérusalem, avec au pied de la croix sa mère Marie et son apôtre Jean.
– La partie inférieure représente la grotte de Massabielle à Lourdes avec la Vierge Marie et Bernadette Soubirous lors des événements de 1858. Une une petite rampe que l’on peut gravir, permet de relier ces deux répliques et d’accéder, au-dessus de la grotte, à la petite esplanade située devant la croix.

Mais l’endroit choisi, entre la route de Carquefou et la route de Mauves, possède déjà une croix en fonte, mise en place en 1854, grâce à une souscription organisée par les marguilliers. Qu’à cela ne tienne. La croix est déposée et rangée près de la cure puis mise à disposition de qui voudra bien la réinstaller dans un endroit de la paroisse. C’est Monsieur Boislève de la Davièrerie qui se propose de l’emmener et de la placer en face de chez lui. On peut d’ailleurs toujours la voir lorsque l’on passe dans ce petit village. C’est ensuite Madame de Boussineau de la Villejégu en Couffé qui cède gracieusement un bout de terrain près de cette croix du Pâtis-Ménoret que l’on vient d’enlever. D’origine marsienne, Mathilde de Boussineau connait bien St Mars et son curé. Elle est la fille de l’ancien maire Adolphe de Cadaran.

Pour réaliser la grande croix qui sera fixée au sommet du calvaire, Monsieur Ertault de la Bretonnière et Donatien Langlais se proposent d’offrir chacun un chêne de leur propriété.
Déjà, de nombreux marsiens se sont mis à la recherche de grosses pierres, les plus grosses possibles, pour la construction du monument religieux.
Ce sont près de 300 charrois de blocs de pierre et de terre qui seront effectués au Pâtis-Ménoret.
Parfois, lorsque les hommes sont trop occupés aux travaux des champs, ce sont les jeunes femmes qui conduisent les attelages de bœufs jusqu’à l’entrée du bourg. Il n’y a pas de temps à perdre car l’abbé Berthaud souhaite clore la prochaine mission, prévue au début de l’année 1898 par la bénédiction du fameux calvaire.
S’il a bien une idée précise de ce qu’il veut faire, il n’a pas, par contre, les compétences techniques pour le construire. Il fait donc appel à quelqu’un qui est une référence en la matière : Alfred Gerbaud. Originaire de Legé, cet ancien zouave pontifical, qui a réalisé plusieurs monuments religieux, est surtout connu pour avoir dirigé les travaux de reconstruction du célèbre calvaire de Pontchâteau. Alfred Gerbaud accepte. Il vient diriger l’assemblage des blocs de pierres et la construction d’un mur de soutènement pour contenir l’ensemble, placé derrière le monument.
Bientôt, le calvaire prend forme. Entre-temps, plusieurs marsiens dont le maire Georges Ganuchaud, ont « délié leurs bourses » pour permettre l’acquisition des statues et du Christ.
Mais la mission animée par les pères rédemptoristes approche. Il est temps de penser à l’organisation de la bénédiction du calvaire et cette bénédiction doit
être à la hauteur de l’événement.
Point d’orgue venant clôturer la mission 1898, la bénédiction du calvaire doit marquer les esprits. Aussi, la décoration du parcours de la procession est soigneusement préparée. Les 400 mètres allant de l’église au monument sont divisés en 11 sections d’une trentaine de mètres chacune. Tous les villages de la commune sont sollicités pour la décoration et répartis équitablement entre ces sections. Une arche en bois, huit mâts vénitiens, des guirlandes et une trentaine d’oriflammes doivent orner chaque section, le calvaire étant lui-même encadré par deux autres arches. Ayant à cœur d’avoir le plus beau tronçon du parcours, plusieurs dizaines de marsiens munis de pioches, pelles et autres outils s’affairent encore la veille de l’inauguration.
 
Le dimanche 6 février 1898, c’est enfin le grand jour. Malgré un temps maussade et la pluie qui tombe sans discontinuer, la foule se presse, en ce début d’après-midi, dans l’église de Saint Mars trop petite pour l’occasion. Beaucoup de gens des communes voisines ont fait le déplacement. Une des raisons de cet engouement est peut-être cette rumeur qui court depuis plusieurs jours dans les environs : Trois évêques viendraient présider la bénédiction. En fait, il n’en est rien et c’est avec une certaine déception que beaucoup voit la cérémonie débuter. Elle est « seulement » présidée par l’abbé Dubois, doyen du chapitre de la cathédrale de Nantes. Il est accompagné d’un nombreux clergé dont les prêtres des paroisses voisines.
A 15 heures, les cloches sonnent à toute volée la fin des vêpres. En sortant de l’église, la nombreuse assemblée a l’heureuse surprise de voir que la pluie a cessé. Tout le monde se met en place. La procession peut enfin commencer. Tambours et clairons ouvrent la marche suivis, un peu plus loin, du char portant la statue de Notre Dame de Lourdes, un char superbement décoré de draperies, fleurs et guirlandes. Il est tiré par six robustes bœufs. Plus loin encore, on aperçoit le Christ sur un « lit d’honneur » porté par douze hommes qui se relèvent par escouade. En fin de procession, l’ensemble du conseil municipal avec à sa tête messieurs Ganuchaud et Ertault de la Bretonnière, respectivement maire et adjoint de la commune, suivis des jeunes hommes sous les armes, ferment la marche.
Arrivés au Pâtis-Ménoret, la statue de Notre Dame est délicatement installée dans la grotte et le Christ hissé et cloué à la croix déjà en place.

Puis l’abbé Dubois s’avance et procède à la bénédiction du calvaire. Alors qu’il retourne à sa place, un des pères missionnaires gravit l’allée qui mène au pied de la croix. Du haut du calvaire, il s’adresse une dernière fois à la foule assemblée autour du monument. En terminant son allocution, il lance d’une voix forte : « Que signifie cet amas de pierres ? A vos enfants qui vous poseront cette question dans 50 ou 60 ans, vous répondrez c’est le monument du mémorial de la mission 1898 ». Après son éloquente intervention, le curé de St Mars, l’abbé Berthaud, s’avance et remercie les trois pères rédemptoristes avant que ces derniers ne donnent solennellement la bénédiction finale, achevant ainsi la mission et cette journée à jamais gravée dans la mémoire de nombreux marsiens.

Les années passent, laissant la végétation s’approprier peu à peu cet imposant assemblage de pierres. Rien ne semble pouvoir venir ébranler ce solide monument. Pourtant le dimanche 12 novembre 1935, la terrible tempête qui souffle sur la région va avoir raison de la grande croix en bois. Pendant la grand’messe, une violente rafale vient la fracasser au sol, suscitant un vif émoi au sein de la population. Il faut attendre le début de l’année 1937 pour voir de nouveau une croix se dresser au sommet du calvaire. Une bénédiction est organisée le 17 janvier 1937. On en profite pour y installer ce jour-là, la statue de Bernadette, récemment acquise, à l’endroit qui lui était initialement réservé en 1898. Il faut préciser qu’entre temps, « la petite Bernadette Soubirous » est devenue officiellement Sainte Bernadette le 8 décembre 1933. Pour cet évènement, le curé Victor Rosselin a prévu une grande procession, un peu semblable à celle de 1898 même si elle est moins fastueuse. C’est la clique de St Mars qui ouvre la procession, suivie des jeunes filles de l’école Ste Anne, sous la conduite de la directrice, Melle Lépine . Elles portent, sur un brancard, la lourde statue en fonte de Bernadette. Plus loin, on peut voir les anciens combattants de la guerre 14-18, avec sur leurs épaules, le Christ installé sur un lit de fond rouge orné de roses. Une fois sur place, la statue est posée et le Christ fixé. Le chanoine Pineau, du Grand Séminaire, procède ensuite à la bénédiction devant les paroissiens venus en nombre pour la circonstance.

Fragilisée et fissurée par les années et les intempéries, cette seconde croix est retirée, pour raison de sécurité, en juillet 1987. Une nouvelle croix est alors réalisée par l’artisan charpentier Roger Leduc de la Bérangerie. Elle est scellée par l’entreprise de maçonnerie de Michel Papion, le 15 décembre 1987. La bénédiction a lieu 5 jours plus tard, le dimanche 20 décembre, après la grand-messe.
Le 4 juin 1989, lors de la foire St Médard, une messe est célébrée exceptionnellement au calvaire en l’honneur du Saint Patron de la paroisse par le curé Maurice Jannault.

 

En 1998, c’est le centenaire du calvaire. Pour immortaliser cet anniversaire, les deux dates sont gravées sur une de ses grosses pierres. Une messe est célébrée le dimanche 14 juin avec la présence de la fanfare Inter-Mars. De nombreux marsiens y assistent parmi lesquels les membres du conseil paroissial et plusieurs élus du conseil municipal. L’adjoint Joseph Pageau et le curé Joseph Roul dévoilent, à cette occasion, la pierre récemment gravée.
Notons qu’à l’initiative d’un marsien, Monsieur Renaudin, un éclairage nocturne du calvaire sera installé en 1986. Cet éclairage sera ensuite perfectionné et pérennisé par la municipalité.
 

Les années passent, la grande croix du calvaire était devenue dangereuse. C’est sous un beau ciel bleu du 12 juillet 2022 qu’une grue télescopique est venue la retirer .

Elle fut ensuite posée sur le plateau d’un camion pour son dernier voyage. Avant sa destruction, le Christ sera enlevé et récupéré afin d’être ensuite refixé sur la nouvelle croix.